À mon réveil, je me suis regardée dans la glace. Yeux gonflés,
premières rides.
Je me suis dirigée vers la fenêtre. J’ai écrasé mon visage contre la
vitre et mon esprit dans la contemplation. J’ai vu les nuages qui couraient
dans le ciel.
Je suis sortie dans le jardin. Rosiers et fushias avaient leur tête
d’hiver.
Je suis sortie dans la rue. Les gens avaient leurs yeux d’hiver.
Je me suis arrêtée devant le marchand de journaux, happée par ces
millions de lignes d’encre fraîche qui dansaient devant moi. J’ai vu l’encre se
dissoudre sur le papier et se reformer aussitôt en d’autres lettres. J’ai vu
l’encre jouer avec l’actualité.
Je suis passée devant le pâtissier, j’ai vu les tartes aux pommes
rivaliser de doré avec les Paris-Brest. Je suis passée devant le maraîcher,
j’ai vu arriver la nouvelle fournée de betteraves cuites au four. Je me suis
demandée si le pâtissier ne se nourrissait que de tartes aux pommes et de
Paris-Brest et le maraîcher que de betteraves cuites au four pour écouler leur
stock.
Je suis passée devant le fabricant de parquet. L’arbre qui était
avant-hier arbre et hier tronc est aujourd’hui planches grossières et sera
demain lames de parquet. Je me suis dit qu’un arbre n’avait pas intérêt à être
trop sentimental ni trop attaché à son apparence.
Il y a des jours où je n’ai pas tellement d’humour.
Il y a des jours où Ferré chante dans ma tête.
J’ai continué à marcher et puis, au beau milieu de la rue déserte,
j’ai remarqué un couple de petits vieux assis sur un banc. Leurs mains fripées
tenaient un grand magazine sportif. Ils avaient élu domicile à cet endroit pour
quelques heures sûrement parce qu’à les regarder décortiquer chaque article et
rire, on aurait dit qu’il ne leur manquait que leur tasse de thé et peut-être
aussi un repose-pied.
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